Quand mots et notes trouvent leurs couleurs
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent (BAUDELAIRE)
J’aime cette phrase du poète des « Fleurs du Mal » mais j’ai envie d’en modifier son contenu…N’y voyez pas de l’irrespect vis à vis du poète mais simplement le désir de faire le parallèle entre cette phrase et ma conception de l’approche de la musique, en général, et du chant, en particulier.
Il est de plus en plus admis que les notes correspondent à des couleurs. Il en est de même pour les mots : le langage populaire ne s’y est du reste pas trompé en donnant des qualificatifs à l’émission vocale selon le sentiment qui accompagne ces mots : Une voix sombre, noire de fureur, une voix blanche de peur, une voix rouge de colère, une voix terne, vibrante, chargée d’émotion…En fait nous sommes en plein dans le monde des vibrations q’elles soient sonores, olfactives…Elles correspondront toujours à des couleurs (et vice-versa) L’on peut corriger une personne chantant faux rien qu’en la faisant visualiser une couleur correspondant à une note émise. J’ai, parmi mes exercices de prédilection pour les chanteurs, celui qui consiste à peindre une musique (avec un pinceau et des couleurs, ou des crayons de couleurs) mais en aucun cas avec l’aide de l’ordinateur, car je crois à la nécessité d’être physiquement en liaison avec le dessin ou la peinture que l’on réalise en écoutant, au vrai sens du terme, une musique, un chant, un texte. Il faut être sensible mais ne laisser aucune place à la « sensiblerie » qui ne mène à rien de concret : pour cela écouter avec tout son corps afin de capter l’ensemble des vibrations émises et ainsi se laisser guider par ce ressenti. Il est frappant de voir que les couleurs retranscrites sont semblables majoritairement et c’est là qu’intervient le côté thérapeutique de cet exercice. En mettant les couleurs qu’émettent les notes, celui (ou celle) qui chante faux ressentira, au début, comme un blocage puis petit à petit se détendra jusqu’à se sentir bien, en harmonie avec ce qui l’entoure. Je l’ai souvent répété : à moins d’un problème physiologique relevant de la médecine ou de la chirurgie, les gens qui chantent faux : cela n’existe pas ! Il y a toujours à la base un blocage dû à des réflexions stupides du genre « tais-toi, tu chantes comme une casserole » Ce type de réflexion est en général reçu lorsque l’on a entre 9 ET 11ansCar ce qu’ignorent la majorité des gens c’est que nous avons plusieurs mues. La première se situe vers cinq ans et passe totalement inaperçue, l’autre débute à 8/9ans…Les cordes vocales comme l’ensemble de notre corps évoluent provoquant une instabilité vibratoire, cause d’une voix trop basse, trop haute. C’est encore assez léger mais suffisant pour être remarqué et provoquer la phrase castratrice. La mue devient effective à partir de 13/14ans. Très évidente chez les garçons pas toujours détectable à son début chez les filles, sauf par un professionnel de la voix expérimenté. C’est pour cela aussi que je m’insurge contre les pseudos professeurs de chant qui ne possèdent aucune connaissance physiologique et qui, à une époque, où l’on fait chanter des gamines autour d’un répertoire fait pour des voix adultes et non en construction, ce qui constitue un réel danger de voir divers dégâts au point de vue physiologiques, dégâts peut-être pas irréversibles mais toujours handicapants pour ceux qui rêvent de devenir des chanteurs professionnels.
Dès lors qu’une personne se pare du titre de professeur de chant il faudrait impérativement qu’elle soit convoquée pour passer un examen au cours duquel elle devrait justifier de connaissances physiologiques, de sa capacité à déterminer les possibilités vocales de chaque élève, de mettre en garde au sujet de styles, de répertoires inappropriés.
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Lettres aux chanteurs en devenir
Mes chanteurs le savent bien : pour moi la découverte du chant ne se limite pas à faire des vocalises, à « placer sa voix » sur des airs lyriques, ou les musiques actuelles…Le chant c’est bien plus que cela. C’est d’ailleurs une des raisons qui font que je suis peu touchée par les chorales amateurs. Encore une fois je n’ai rien contre les amateurs, au contraire j’ai une réelle estime pour les personnes qui s’impliquent entièrement dans une démarche qui ne comporte aucune rétribution financière mais, malheureusement, en France, contrairement aux pays anglo-saxons, nous n’avons que trop tendance à dévier l’amateur vers l’amateurisme. Contrairement aux chœurs professionnels les chorales, trop souvent (et je le sais pour avoir été appelée à rétablir des chanteurs de chorales dans leur registre) des barytons se retrouvent dans les basses, des barytons légers chez les ténors… il n’est pas rare de voir (ou plutôt d’entendre) une soprano qui, faute d’un travail approprié, est limitée dans ses possibilités vocales et qui du fait d’avoir du mal à atteindre certaines notes se retrouve classée dans le registre alto au détriment de son futur vocal !
Le jour ou l’on comprendra que l’art vocal nécessite de prendre le temps de réaliser que l’interprétation d’une simple chanson ou d’un air classique demande de prendre conscience qu’imagination, dynamique corporelle et sentiment sont liés, ce jour là nos chorales amateurs pourront véritablement progresser au lieu de se complaire dans l’exécution de morceaux qui ne sont magnifiés que par le nombre d’exécutants.
J’aime beaucoup les expressions populaires comme « La parole coule de source » et tout particulièrement « Se jeter à l’eau » Se jeter à l’eau c’est faire confiance à notre capacité d’affronter la situation au-delà de ce que décide notre mental. Le corps a une mémoire. En libérant le geste nous libérons les mots, la parole, la tonalité. C’est ainsi que l’on maîtrise le « trou de mémoire »
Tout chanteur, tout comédien devrait prendre en considération les exercices qui vont leur permettre d’être de vrais interprètes et les responsables de chorales devraient prendre le temps de suivre des formations qui vont dans ce sens. Un travail approfondi ne nuit pas au plaisir de chanter mais au contraire il sera source de fierté pour ceux qui sauront alors ce que chanter veut réellement dire. L’amateurisme est souvent source d’orgueil, chanter en amateur permet d’être fier de ses progrès grâce à un travail efficace et le public fera vite la différence.
J’ai eu l’occasion de faire travailler une chanteuse (aujourd’hui professionnelle) qui venait d’Australie. Tout naturellement en arrivant en France elle a voulu intégrer une chorale…Elle en essaya plusieurs et finit par renoncer car contrairement à son pays d’origine elle ne retrouvait pas les exigences vocales, musicales auxquelles elle avait été habituée. Elle avait effectivement une formation de base solide ( normale, en Australie, pour les chanteurs en chorale) et était catastrophée par le côté amateurisme qu’elle avait trouvé chez nous…
Nos joueurs de foot ont découvert le sport d’équipe en étant chacun bien à sa place…Nos choristes amateurs vont peut-être comprendre que chanter ensemble c’est d’abord assurer individuellement…
Musicalement vôtre
Danielle Libiez